“There was a lady from Nantes
Très chic et très élégante ...”
Limerick anonyme glané sur le ouaibe.
La puissance de dépaysement de l’univers de Michelle Naismith est d’abord fonction du degré d’arbitraire qui, dans ses films, régit les apparitions récurrentes de quelques figures obsédantes. Silhouettes hiératiques, présences énigmatique ou grotesque traversent ainsi les espaces improbables — banalisés dans toute leur artificialité — qui offrent leur cadre — souvent déserté — aux fictions déconcertantes de l’artiste. Rien de fortuit pourtant dans toutes ces rencontres, que ce soit celle d’un renard égaré dans un vaste ensemble urbain ou celle d’un homme-œuf parcourant les environs d’un palais de justice customisé façon Balapapa. Point de table de dissection, ni de scalpel pour opérer notre rétine. À Foxhospital, on s’intéresse plutôt aux plaies ouvertes de l’âme. Les interventions que Michelle Naismith pratique à l’image ont la légèreté d’un battement d’aile de papillon. La question n’est ni celle du collage, ni même celle du montage. Davantage qu’à la vulgate surréaliste, à laquelle d’aucuns associent parfois son travail, Michelle Naismith préfère sans doute la tradition plus expressément britannique du nonsense. Mon premier désigne le personnage, mon second le qualifie, mon troisième convoque la réalisation du prédicat. Il était un grand caniche blanc. Gourou d’un autre temps. De sa sagesse, il instruisait ses disciples impassibles. Sa pensée était leur bible. La structure même du limerick semble soutenir le déploiement d’un récit qui s’attache avant tout la question de la singularité. Celle de l’être-là. L’épreuve de la présence, ici, est au cœur même du récit. « Feel the conscious presence in everything »… Au-delà de sa facticité, elle est aussi intentionnelle et signifiante. L’expérience vécue est celle d’un Dasein mélancolique, d’une conscience meurtrie d’être en rapport avec le monde et avec soi-même. Ainsi, l’ensemble des « présences » convoquées dans les films de Michelle Naismith écartent-elles volontiers les modalités du dialogue pour s’abandonner à des méditations quiétistes ou des monologues logorrhéiques irrémédiablement séparés.